Accessibilité des locaux, stationnement, transport, aménagements spécifiques, accessibilité des équipements, aides matérielles, financières et humaines…. Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver pour les étudiants en situation de handicap et de vivre sa vie étudiante sereinement. Rencontre avec deux étudiantes qui ont accepté de témoigner de leur quotidien*. (le premier témoignage est disponible ici)
(* témoignage anonyme dans le respect de la vie privée et dans le but de restituer l’exactitude du témoignage de manière libre et factuelle).
Peux-tu te présenter ?
J’ai 26 ans, je vis dans la petite couronne de Paris. J’étudie les Ressources Humaines et dans mon alternance j’accompagne la référente handicap et relations sociales dans ses missions sur le handicap, l’égalité femmes/hommes au travail, et la qualité de vie au travail.
Vers quel métier/secteur t’orientes-tu après tes études ?
J’aimerais continuer en RH et dans la spécialité du handicap, l’égalité professionnelle et la QVT et pourquoi pas m’ouvrir sur le sujets des RPS et de la RSE.
Est-ce que ton handicap t’a empêché d’accéder à une filière, à des études que tu aurais aimé faire dans le passé ?
Il y a quelques années j’ai dû me réorienter à cause de mon handicap. J’étais manager dans une entreprise de vente de textile, et mes problèmes et douleurs de dos (puisque j’ai été opérée de la colonne vertébrale et que j’ai des tiges de harrington) m’ont amené à un arrêt de 6 mois et à changer mes ambitions professionnelles après 5 ans en poste. Je n’avais pas fait la démarche de reconnaissance de mon handicap à l’époque car je refusais l’idée d’être fichée handicapée à 20 ans. Je me suis renseignée et ai été accompagnée par mes parents dans cette démarche à la suite de mon arrêt. J’ai donc repris mes études pour me réorienter vers des fonctions supports qui sollicitent moins l’aspect physique ; il m’a fallu 3 ans pour retrouver ma voie, et les administrations ne sont pas toujours à l’écoute.
As-tu déjà rencontré des difficultés liées à ton handicap (matérielles, humaines, techniques, financières…),au cours de tes années d’études ou dans ton travail ?
Le plus gros problème est le manque d’information et le jugement. Mon handicap étant invisible j’ai eu droit à des réflexions comme quoi je n’étais pas réellement handicapée et donc un manque d’accompagnement dans l’adaptation de mon poste ou des conditions de travail. En fonction de la sensibilité de l’interlocuteur il est plus ou moins facile de se faire comprendre et de communiquer son besoin, et donc à obtenir une adaptation matérielle ou une aide quelconque.
Le fait d’être jeune est également un problème. Beaucoup de personnes imaginent que le handicap est réservé à des personnes plus âgées, et que les jeunes sont forcément en forme.
Je me retrouve souvent heurtée à l’incompréhension de relations de travail et/ou de l’entourage pédagogique qui n’ont jamais vécu une situation de handicap et qui restent cramponnés à l’image du fauteuil roulant ou de la canne.
Je pense que dans les entreprises le sujet est de plus en plus traité et l’accompagnement est de toute façon devenu obligatoire. En revanche les écoles, privées ou publiques, sont encore trop peu accompagnées et formées. C’est dommage car je sais par expérience que beaucoup de personnes abandonnent les études faute d’accompagnement
As-tu besoin d’aménagements ou un dispositif particulier pour les cours et les examens ?
J’aurais besoin d’un siège ergonomique et d’un bureau « assis-debout » qui permet de changer de position, pour l’instant cela n’a pu être mis en place dans aucun établissement contrairement à mon entreprise. Les examens sont d’autant plus difficiles à adapter puisque la position assise prolongée est pénible. Il m’est déjà arrivé de quitter des examens car mon dos était trop douloureux.
De manière générale, es-tu satisfaite de l’écoute et la prise en considération de ton handicap au cours de tes études ? Sais-tu vers qui te tourner en cas de besoin ? (Personne référente, organisme extérieur…)
Je suis satisfaite d’avoir rencontré des personnes qui voulaient changer les choses. Le problème est qu’il y a peu d’interlocuteurs pour les écoles et dans les écoles. Il n’y a par exemple pas de référent dans mon établissement actuel, et aucune sensibilisation, ou action.
Quel est ton avis sur l’accompagnement des étudiants en situation de handicap aujourd’hui ? L’Information et la communication auprès des professionnels de la formation et dans le milieu professionnel sont-elles suffisantes, selon toi ?
J’ai la chance d’être dans le domaine du handicap d’un point de vue professionnel et donc oser taper aux portes pour être prise en considération. Je pense qu’un jeune nouvellement en situation de handicap ou qui ne serait pas à l’aise avec sa situation rencontrera plus de difficulté et risque d’être moins à l’aise, voir en difficulté dans ses études. C’est important de changer et sensibiliser dans les établissements scolaires pour rendre les écoles plus inclusives.
Les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent sans emploi en raison d’un niveau de formation trop bas. Cela passe également par l’accompagnement dans le financement de matériel pour de meilleures conditions d’études, comme l’AGEFIPH le fait pour les entreprises.
Dans les entreprises la tendance est en train de changer puisqu’elles sont soumises à l’obligation d’emploi de 6% et il y a de plus en plus de sensibilisation notamment durant la SEEPH et des formations auprès des managers et des équipes. Le fait que la population des entreprises soit plus mature doit également être un facteur dans la meilleure intégration des personnes en situation de handicap.
Que faudrait-il améliorer à l’avenir pour que tout cela évolue?
J’accompagne aujourd’hui mon établissement sur un projet pour rendre l’école plus inclusive. Le principal problème que nous rencontrons est de savoir quels sont nos interlocuteurs et qui peut nous aider dans notre démarche ? Les écoles, même avec la meilleure volonté, ont besoin d’être accompagnées pour former leur intervenants et professeurs, pour adapter leurs locaux et sensibiliser les étudiants. Les interlocuteurs sont multiples et pas toujours clairement identifiés ou fiables.
Si la loi prévoit une obligation d’emploi de 6% pour les entreprises avec prise en compte de l’effort fait pour l’accueil et les services faits auprès du secteur protégé, les écoles elles ne sont pas soumises aux mêmes obligations.
Sans aller jusqu’à une loi qui serait punitive en cas de manquement, des mesures incitatives devraient être mises en place en terme d’accueil principalement, et de parcours de formation auprès de l’équipe encadrante.
Selon toi est-ce que la féminité lorsque l’on est en situation de handicap est perçue différemment dans la société ? De manière personnelle, est-ce que ton handicap affecte ou a affecté à un moment donné la vision de ta féminité ?
La question de la place de la femme dans la société actuelle reste entière, notamment en terme d’inégalité salariale, de charge émotionnelle, de choix sur son corps et son image, et de place dans le couple. La situation de handicap peut d’autant plus impacter cette situation dans l’accès à l’emploi ou le sentiment de discrimination. Il est parfois plus difficile d’exprimer sa féminité dans certaine situation de handicap, comme à la suite d’un cancer (perte de cheveux, ablation du sein etc.) ou pour trouver des vêtements, de la cosmétique, des prothèses ou simplement une écoute adaptée. Heureusement on voit de plus en plus d’initiatives émerger ; que ce soit par des entreprises, des start-up ou simplement des particuliers, pour répondre à ces besoins.
Personnellement, j’ai souffert de l’image que je renvoyais, avant d’être opérée. De mes 12 à mes 18 ans j’ai été contrainte de porter un corset à cause d’une déformation de la colonne. C’est le moment des premiers amours, où le corps change et où l’on devient femme. Le corset orthopédique n’avait rien de glamour et était particulièrement douloureux, en plus de tenir chaud. Je devais le cacher sous des vêtements amples et pratiques, plus que de penser à mon plaisir. Cela a été très difficile à cette période d’appréhender ma féminité et de l’exprimer. L’opération m’a permis de reprendre le contrôle sur cette image. J’ai eu la chance d’être très accompagnée par ma famille qui m’a aidée à passer cette étape difficile à un âge où l’on n’est pas forcément à l’aise avec son corps. A ce niveau le secteur médical n’est pas encore assez à l’écoute, notamment pour les jeunes populations qui n’osent pas toujours s’exprimer, s’insurger et se faire écouter. On a encore trop droit aux réponses bateau « ça ira », « tu vas t’y faire » ou « c’est pour ton bien ». L’empathie et l’écoute ont été un peu perdues et devraient retrouver leur place dans l’accompagnement des malades tant sur l’aspect physique mais aussi sur l’incidence psychologique d’une maladie ou d’un handicap.