Le thème du handicap est encore trop peu abordé, visible à l’écran ou trop stéréotypé, que ce soit dans les films, les séries, les émissions de divertissement ou d’actualités (0,8 % de présence à l’écran selon le CSA – Le Conseil Supérieur de l’ Audiovisuel). Le groupe France Télévisions s’engage pour une meilleure représentation de la diversité à l’écran et pour la lutte contre toute forme de discrimination en proposant des programmes mettant en valeur les différences.
Depuis mi avril, la châine France TV.Slash.(plateforme numérique de France Télévisions) diffuse la websérie humoristique « Simone et moi, une amitié mécanique », 10 épisodes de 2 à 5 minutes autour du quotidien de Bahia atteinte d’un syndrome cérébelleux, et de son fidèle compagnon, Simone.
Rencontre avec Soukaïna Meflah (co-auteure et actrice principale) et Laurène Dervieux (co-auteure et co réalisatrice).
Bonjour, pouvez-vous vous nous présenter la websérie « Simone et moi, une amitié mécanique » ?
– Soukaïna Meflah (co-auteure et actrice principale) : Il s’agit d’une web-série humoristique qui raconte l’histoire de Bahia qui doit ralentir dans un monde où tout va vite. En effet, elle fait équipe depuis quelques années avec Simone son déambulateur.
Comment est née cette idée de websérie ? Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème-là ?
– Laurène Dervieux (co-auteure et co réalisatrice) : J’ai connu Soukaïna il y a 8 ans alors que nous étions journalistes sur une émission télé. A l’époque, elle était valide. À la suite d’un syndrome cérébelleux, elle a perdu sa mobilité, son élocution et sa coordination.
– Soukaïna Meflah : Nous avons voulu parler de ce sujet afin de dédramatiser une situation qui peut être perçue comme dramatique. Et surtout, on voulait le faire sous le prisme de l’humour. Je pense qu’on dénonce plus de choses en maniant l’humour qu’en adoptant un ton plus sérieux.
Dans les épisodes déjà diffusés, vous abordez les obstacles rencontrés par Bahia (personnage central de la série), qu’ils soient physiques, relationnels, professionnels, personnels, toujours avec humour mais de manière authentique et vraie. Comment choisissez-vous les sujets abordés et comment se passe le choix du scénario pour chaque épisode ?
– Laurène Dervieux : Antoine Piwnik, notre producteur chez 2P2L, nous a demandé de lister les obstacles que Soukaïna rencontre au quotidien. On a donc articulé la série en fonction de cette liste : un épisode sur l’accessibilité, un autre sur l’impossibilité d’être à l’heure, un sur le regard des autres, …
– Soukaïna Meflah : Les épisodes de la série sont certes fictionnés mais ils reflètent tous ma réalité.
Il y a une véritable équipe très investie autour de la websérie. Comment-travaillez-vous ? Comment se passe l’écriture des scénarios, le tournage de l’épisode, la post production, la diffusion etc… ?
– Soukaïna Meflah : Avec Laurène, nous avons proposé un pitch à Slash, la plateforme numérique de France Télévisions. Dans la foulée, nous avons obtenu un rendez-vous. Ils étaient enthousiastes à l’idée de diffuser notre future web-série.
– Laurène Dervieux : Ensuite, nous avons proposé le projet à Antoine qui a été tout de suite partant. Dans les mois qui ont suivi, nous avons écrit avec Soukaïna les 10 épisodes qui avaient été commandés. Nous avons eu 8 jours de tournage pour réaliser les 10 épisodes.
– Soukaïna Meflah : L’équipe technique, qui a été extrêmement bienveillante tout au long du tournage, a été constituée par la production. Nous avons choisi, de notre côté, des comédiens qui évoluent dans le milieu du théâtre ou du stand-up car c’est des milieux que nous fréquentons depuis quelques années. Plusieurs guest ont également accepté de participer comme Nicolas Berno, Eleonore Costes, Jordi Le Bolloch’, Juliette Tressanini, Keyvan Kohjandi ou encore Justine le Pottier.
– Laurène Dervieux : Nous avons monté les épisodes en 10 jours. Ensuite il y a eu le mixage et l’étalonnage sur quelques jours. Les épisodes sont désormais disponibles sur la plateforme France.tv et sur Youtube depuis le 10 avril.
Pouvez-vous nous présenter Bahia l’héroïne jouée par Soukaïna Meflah (actrice, journaliste et auteure). Son histoire et son quotidien sont-ils inspirés de sa propre vie ?
– Soukaïna Meflah : Bahia est une jeune trentenaire qui vit en colocation avec Tom. Sa vie est rythmée par ses séances avec Franck, son kiné, dont elle est secrètement amoureuse.
– Laurène Dervieux : Ce n’est pas une série axée uniquement sur le handicap. C’est l’histoire de Bahia, une jeune parisienne, qui vit des galères avec le boulot, avec les mecs, … Comme tout le monde en fait !
– Soukaïna Meflah : Bahia est mon double de fiction. C’est beaucoup inspiré de mon quotidien.
– Laurène Dervieux : C’était important pour nous que Soukaïna incarne le personnage de Bahia. Il faut que des personnes en situation de handicap soient visibles sur les écrans. Très souvent, ce sont des comédiens valides qui incarnent des personnages handicapés. Ça serait bien que cela change quand même …
– Soukaïna Meflah : C’était important pour moi de jouer Bahia car cette série c’est mon histoire.
Pourquoi le déambulateur de Bahia porte un prénom (Simone) et tient une place de personnage à part entière ?
– Soukaïna Meflah : Mon déambulateur s’appelle réellement Simone. Je l’ai baptisé ainsi car Simone c’est un prénom de femme forte comme Simone Veil, Simone Signoret, Simone De Beauvoir, … Et puis, c’est un prénom rigolo, cela m’a permis de dédramatiser ma situation. Dans la série, mon déambulateur tient une place à part entière car dans ma vie, je l’ai tellement personnifié, que mes amis en viennent même à s’adresser directement à lui. C’est Soukaïna et Simone maintenant !
– Laurène Dervieux : C’est Dalia Bonnet qui prête sa voix au déambulateur dans la série. C’est une comédienne que nous admirons depuis longtemps et nous sommes ravies qu’elle soit affiliée à notre projet.
Quels messages et valeurs souhaitez-vous faire passer à travers cette websérie ?
– Soukaïna Meflah : On a voulu faire passer le message que le handicap n’est pas une fatalité. Être handicapé ne signifie pas s’arrêter de vivre. On peut travailler, avoir une vie sociale, être amoureuse, …
La websérie est diffusée sur France TV Slash. Combien d’épisodes comporte la websérie ? C’est une opportunité supplémentaire d’évoquer le sujet d’évoquer le thème du handicap sur une chaîne du service public ?
– Laurène Dervieux : La série est diffusée depuis le 10 avril sur France TV Slash ainsi que sur YouTube. Tous les épisodes sont disponibles sur la plateforme. Sur YouTube, il y a un épisode chaque mercredi à 18h.
– Soukaïna Meflah : C’est super que le service public parle du handicap mais il faudrait que cela se démocratise et qu’on puisse traiter de ce thème un peu partout !
Quelle est votre avis sur la place des femmes en situation de handicap dans la société et dans les médias aujourd’hui ?
– Soukaïna Meflah : Déjà, être une femme dans notre société, ce n’est pas tous les jours évident. Mais alors, être une femme ET en situation de handicap, c’est un challenge de tous les jours. Paradoxalement, je prends de la place avec mon déambulateur mais je suis invisible dans les médias et dans la société.
Qu’est ce qui doit évoluer et de quelle manière, selon vous ?
– Laurène Dervieux : Il faudrait commencer par cesser d’avoir peur du handicap. Je pense que les mentalités évolueront quand on aura une série avec un personnage en situation de handicap mais que ça ne sera pas le thème de la série.
– Soukaïna Meflah : Je pense qu’il faut parler du handicap sans prendre de pincettes. On a tendance à voir les personnes handicapées comme fragiles alors que c’est faux. Dans la série, on a voulu montrer que Bahia n’est pas parfaite. C’est un être humain. Il lui arrive d’être de mauvaise foi, de mentir, …
Quels seront les sujets abordés dans les prochains épisodes et il y aura-t-il une suite à la websérie (prochaine saison etc…) ?
– Soukaïna Meflah : Dans la saison qui est actuellement diffusée, nous avons abordé plusieurs thèmes : la rééducation, le regard des autres, les relations amoureuses, le manque de ponctualité, les travers de l’administration, le travail, les tâches ménagères, …
– Laurène Dervieux : Pour le moment, nous ne savons pas si « Simone et moi » aura une seconde saison. On espère en tout cas !
Un grand merci à Soukaïna Meflah et Laurène Dervieux pour cette interview et bravo pour cette websérie !
Et puisque « Simone et moi, une amitié mécanique » est un grand coup de coeur … en bonus voici l’épisode préféré de Andy in the City (l’ensemble des épisodes est a retrouver sur la plateforme Slash TV de France Télévisions).