En France, environ 700 000 personnes (source : INSERM et Autisme Info Service) sont concernés par des troubles du spectre autistique, dont 100 000 ont moins de 20 ans (source : INSERM et Autisme Info Service) et ce nombre ne cessent d’augmenter en raison d’un diagnostic plus précoce et précis qu’auparavant.
Cependant avoir un diagnostic, réalisé généralement par un psychiatre, reste encore un parcours compliqué et relativement long alors même qu’il est indispensable pour avoir accès à un suivi médical, à un accompagnement multiple et personnalisé (par la mdph notamment) et ainsi vivre le plus sereinement possible au quotidien.
Merci à Flora d’avoir accepté de témoigner sur son vécu.
[TW/Avertissement : situations de précarité, errance médicale, pensées suicidaires]
« Je m’appelle Flora, j’ai 30 ans, j’ai été diagnostiqué autiste + TDAH à 27 et 28 ans à
la suite d’un parcours professionnel jalonné de fin de période d’essai à l’initiative des
employeurs, de non-renouvellement de CDD, de longues périodes de chômage…
Tous ces échecs professionnels m’ont fait tomber en dépression car je ne
comprenais pas pourquoi je galérais autant dans la vie… Le diagnostic d’autisme m’a
fait encore plus tomber au fond du trou car j’ai malheureusement grandi dans une
famille où le handicap est vu comme une tare et je me suis dit que je n’arriverais
jamais à rien dans ma vie et que je n’avais donc plus de raison de vivre…
Mais je me suis dit que si j’obtenais un diagnostic officiel d’autisme, j’aurais donc une
reconnaissance de personne handicapée et que je pourrais prétendre à l’AAH et
donc obtenir une stabilité financière. C’est une chose que je n’avais jamais connu
ayant enchaîné les embûches au niveau professionnel et personnel en ayant été
dans une relation toxique de couple dans laquelle j’ai été maltraité
psychologiquement et physiquement, et dont j’ai eu du mal à me sortir à cause de
toutes les galères professionnelles et personnelles que je rencontrais…D’ailleurs, l’accès au diagnostic d’autisme reste encore un privilège en France et c’est
inacceptable car ça mène les autistes non diagnostiqués à une grande détresse
psychologique, financière…
J’ai donc demandé l’Allocation Adulte Handicapé que j’ai obtenu car j’ai un handicap
de 50 à 79% ainsi qu’une RSDAE. (Restriction Substantielle et Durable d’Accès à
l’Emploi). Sauf que j’ai obtenu l’AAH pour seulement 2 ans et que je suis en attente
de la réponse pour le renouvellement de mes droits. C’est extrêmement angoissant,
surtout pour une personne autiste et extrêmement anxieuse, de ne pas savoir si je
vais continuer à percevoir l’AAH ou si je vais me retrouver au RSA et donc en encore
plus grande précarité financière…Cette situation me remets des idées suicidaires en
tête, mais j’essaye de me dire qu’il n’y aucune raison logique que mes droits ne
soient pas reconduits…Mais nous ne sommes jamais à l’abri d’une mauvaise
surprise !En étant allocataire de l’AAH, on ne vit pas mais on survit, on vit sous le seuil de
pauvreté, on est éligible à l’aide alimentaire des associations telles que la Croix
Rouge, Les Restos du Cœur…. D’ailleurs en allant me réinscrire la Croix Rouge hier,
j’ai croisé une de mes voisines qui y était bénévole et j’ai pleuré du coup en la voyant
car j’ai eu honte de dépendre de l’aide alimentaire pour vivre…. J’ai donc été rassuré
par les bénévoles qui m’ont dit que ce n’était pas de la charité mais de la solidarité
mais je me suis quand même sentie honteuse… Et cette fameuse voisine m’a dit que
c’était qu’une mauvaise passe à passer… Et j’ai dit « non, non, je suis handicapée et
je le serais toute ma vie donc tant que l’AAH nous permettra tout juste de survivre,
j’aurais toujours besoin de la Croix Rouge pour pouvoir manger comme il faut… »Et je trouve ça terriblement triste et injuste qu’en 2023, dans le pays des Droits de
l’Homme, les handicapés soient traités de la sorte et doivent constamment
renouveler des dossiers MDPH afin de justifier leur handicap et d’avoir l’impression
de demander la charité. Nous ne sommes pas des sous citoyens !
Dans un pays « civilisé » comme le nôtre, nous ne devrions pas vivre comme cela et
être discriminés dans tous les domaines de la vie, au niveau de l’emploi, du
logement, de l’accessibilité des lieux publics…
J’ai également besoin d’un suivi psychologique en libéral pour travailler mes
nombreux traumatismes causés par mes 27 ans de personne autiste non
diagnostiquée et se sentant complètement seule, incomprise et en décalage avec le
reste du monde, ainsi que la relation abusive avec mon ex et ma famille…La déconjugalisation de l’AAH en 2023, le remboursement des fauteuils roulants,
mieux vaut tard que jamais… En espérant que des partis politiques un peu plus
humains arrivent au pouvoir et nous permettent enfin de vivre dignement et que les
gens deviennent plus ouverts d’esprit et plus humains…Quand je vois des
handicapés eux même qui ont tellement intériorisé ce discours et qui se satisfont de
toucher moins de 1000€ par mois, je me dis que le combat n’est pas encore gagné…«
***
[Ressources] Face à une situation de violences quelle qu’elle soit et/ou de pensées suicidaires ne restez pas seul.e. Vous n’êtes pas coupable, vous n’êtes pas seul.e. Parlez en à un proche de confiance et demandez de l’aide auprès de professionnels et associations :
– Centres Ressources Autisme
– Autisme France
– Maison de l’ Autisme
– Association Francophone des Femmes Autistes
– 01 40 47 06 06 : Permanence d’écoute et d’accompagnement dédiée aux femmes handicapées victimes de violences (tous les lundis de 10h à 13h et de 14 h 30 à 17 h 30 et Mardi/Mercredi et Jeudi de 10 h 00 à 13 h 00 – https://ecoute-violences-femmes-handicapees.fr) ainsi que le 17 et le 114, le 15 et le 112.
– 3114 : numéro national de prévention du suicide. Un professionnel de soins (infirmier ou psychologue), spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute afin d’évaluer votre situation et vous proposer des ressources adaptées à vos besoins. La ligne est ouverte 24h/24, 7j/7. L’appel est gratuit et confidentiel. www.3114.fr