Chaque étape dans la vie d’un (futur) parent est semée de joie, de bonheur, de doutes et de questionnements. Vivre cette aventure lorsque l’on est en situation de handicap peut s’avérer d’autant plus singulière….Mais entièrement possible.
Rencontre avec Mathilde à l’initiative de ParHants, une communauté permettant aux (futurs) parents en situation de handicap de se rencontrer, d’échanger sur leurs expériences respectives de parentalité et de partager de précieux conseils.
Bonjour, pouvez-vous vous présenter et nous présenter le projet ParHants ?
Je m’appelle Mathilde, une Bretonne de 29 ans exilée à Paris depuis quelques années maintenant. Je suis une toute jeune maman d’une jolie Hortense née le 12 octobre 2019. Je travaille en tant que chargée de Mission Handicap depuis plus de trois ans dans une société d’informatique. Mon petit plus? Je suis en situation de handicap depuis plus de 7 ans. J’ai une hémiplégie (paralysie partielle) du côté gauche de mon corps. On m’a découvert une malformation du cerveau et j’ai du me faire opérer à deux reprises pour l’enlever. C’est à la suite de ces opérations que mon handicap est survenu.
ParHants, c’est une communauté de parents en situation de handicap. Chaque semaine je publie des portraits de parents ou futurs parents en situation de handicap dans l’espoir de montrer à tous que même si on est en situation de handicap, on a le droit à une vie de famille! .
Comment est née cette idée de créer une communauté de et pour les (futurs) parents en situation de handicap ?
J’ai décidé de créer le blog ParHants à la fin de ma grossesse lorsque j’ai commencé mon congé maternité et que les journées se faisaient un peu trop longues. Je me suis rendue compte que vivre une grossesse en situation de handicap n’était pas forcément chose facile. Je voulais rencontrer des personnes dans ma situation pour pouvoir échanger et partager nos expériences. L’arrivée d’un premier enfant est toujours un grand chamboulement. Avec mon handicap à gérer en plus c’est un petit challenge supplémentaire.
Pourquoi avoir choisi d’aborder cette thématique là en particulier ?
En traînant sur Instagram, j’ai vu beaucoup de compte de parents qui ont des enfants handicapés, des personnes en situation de handicap qui font des choses exceptionnelles (sportifs, artistes, entrepreneurs, conférenciers…) et quelques parents en situation de handicap qui partageaient leur quotidien. La parentalité est quelque chose de tellement banale mais en même temps de tellement difficile. L’idée de rassembler des personnes vivant une parentalité un peu différente a donc germé.
D’après les témoignages que vous recevez, que vous disent ces (futurs) parents handicapés sur la parentalité, la grossesse etc. ? Quelles sont les principales difficultés, obstacles auxquels ces (futurs) parents font face ?
Ce qui est intéressant avec le handicap, c’est que l’on ne peut pas faire de généralité. Chaque personne ayant un handicap différent, les besoins concernant la parentalité sont également différents. Par rapport aux personnes avec qui j’ai été en contact, ils étaient principalement en situation de handicap moteur. Du coup les difficultés majeurs concernent l’accessibilité de la maternité et de la salle d’accouchement ; l’aménagement de la chambre de l’enfant pour faire les soins pour les enfants (lit à hauteur, table à langer…) . Réussir à être autonome, tout en s’assurant de la sécurité de nos enfants. Personnellement j’appréhendais surtout de porter mon bébé sans la faire tomber, lui donner son bain sans qu’elle glisse, lui changer sa couche sans en mettre partout. Au final, on trouve toujours des techniques et pour les choses où je ne me sens pas de le faire seul, je peux toujours compter sur mon mari ou mon entourage.
Est-ce que la parentalité des personnes en situation de handicap est encore tabou aujourd’hui dans la société ?
Je pense que la parentalité des personnes handicapées n’est pas tellement un sujet à l’heure actuelle. En effet, il y a tellement d’autres sujets à traiter d’important (le travail des personnes handicapées ; l’accessibilité des villes, numériques ; la scolarité des enfants en situation de handicap ; la lutte contre les discrimination en générale…). Par contre j’ai vu que la chaîne de télévision 6Ter avait consacré un épisode sur les mères handicapées dans « Famille extraordinaire ». Je trouve ça bien que des émissions grands publics abordent cette thématique.
A titre personnel, quelles ont été vos difficultés, vos peurs, vos constats liés à la grossesse, à la parentalité etc. ?
Personnellement, les difficultés ont commencé lorsque j’ai dû trouver une maternité pour mon suivi de grossesse, donc assez tôt. A 3 mois, je ne savais toujours pas où j’allais accouché car j’ai été refusé de 3 maternités car ils avaient trop peur de mon handicap et de comment j’allais supporter l’accouchement. Heureusement, j’ai trouvé une maternité qui fait un suivi spécial pour les femmes handicapées, l’IMM (Institut Mutualiste Montsouris). J’ai donc eu une sage femme qui connaissait bien mon handicap et qui nous a accompagné formidablement. Elle a su nous rassurer et j’ai donc appréhendé très sereinement l’accouchement. Elle nous a également aidé à nous poser les bonnes questions pour la prise en charge des soins de notre bébé. Elle nous a conseillé sur du matériel (bain, lit, porte bébé…). Comme chaque nouveauté dans ma vie, je savais qu’il allait me falloir un petit temps d’adaptation pour trouver des solutions pour réussir à être autonome. Je me suis rendue compte par exemple que l’allaitement avec une main qui fonctionne pas tellement, c’est plutôt compliqué au début pour la mise au sein. Au final, avec Hortense, ont a réussi à trouver notre petite technique et cela fonctionne maintenant. Même si parfois quand je galère au milieu de la nuit, je me dis que avec deux mains ça serait quand même beaucoup plus simple 🙂
Pourquoi avoir choisi de créer un blog comme média pour informer et sensibiliser sur cette thématique ?
Pour moi, le blog est une solution très pratique pour espérer intéresser le plus grand monde. Le compte Instagram a été créé en parallèle pour donner envie aux gens de lire les portraits que je publie régulièrement et pour inciter les gens à interagir. Je passe d’ailleurs par Instagram pour trouver des personnes qui peuvent témoigner. C’est un formidable outil qui nous permet des mise en relation très faciles.
Quels messages et valeurs souhaitez-vous faire passer à travers ce blog ?
A travers ce blog, j’aimerais pouvoir aider les parents et futurs parents handicapés à rencontrer d’autres personnes dans la même situation. La parentalité doit être accessible à tous et à toutes. J’aimerais également participer à déconstruire les stéréotypes autours du handicap en expliquant que même une personne handicapée peut avoir une vie de famille, si il ou elle en ressent l’envie. Je ne suis pas certaine qu’actuellement dans la société les gens réalisent qu’une personne aveugle ou en fauteuil roulant (ou ayant un autre handicap) puissent s’occuper d’un enfant malheureusement alors que grâce à des aménagements et du soutien c’est possible!
Que pensez-vous de l’accompagnement, du niveau d’information du personnel médical et de l’attention portée aux besoins des (futurs) parents en situation de handicap ? Que faudrait-il améliorer ?
Lors de mon accouchement les sages-femmes n’avaient qu’une crainte, que je fasse un AVC. Elles ne m’ont pas tellement écouté d’ailleurs, moi qui voulait essayer de me détendre un maximum avant la péridurale par exemple avec un bain, je n’ai pas eu le choix de prendre la péridurale directement. Lors de la phase de poussé je n’ai pas non plus eu le sentiment qu’elles aient pris en compte mes remarques. En effet, ils m’avaient prévenu que je ne pourrais pas pousser plus de 30 min avant de recevoir une aide technique. Malheureusement au bout de 10min, alors que tout se passait très bien et que le bébé progressait, le médecin a décidé d’accélérer le travail et d’utiliser la ventouse. J’ai donc accouché en 15min, sans même transpirer une seule goutte! Cela montre bien qu’il y a une méconnaissance du sujet et une crainte du handicap alors que j’étais dans un hôpital avec des équipes sensibilisées au sujet. Je n’ose même pas imaginer dans un autre hôpital comment cela se serait passé. Pour mon cas, mon neurochirurgien m’avait rassuré en me disant que je n’avais pas plus de chance qu’une autre de faire un AVC lors de mon accouchement et nous avions donc prévenu les équipes de la maternité.
En discutant avec ma sage femme spécialisée, cette dernière m’a indiqué qu’elle faisait de nombreuses formations, sensibilisations et conférences chaque année sur le sujet auprès des équipes médicales. Malheureusement, elle n’a pas les moyens de sensibiliser, seule, toutes les maternités de France. Il n’y a pas beaucoup d’acteurs comme elle en France et j’espère que lorsqu’elle prendra sa retraite,quelqu’un lui succédera.
D’après elle, peu de sage-femme ont envie de suivre une formation sur le sujet puisqu’il y a déjà un manque de connaissance du handicap et des stéréotypes qui nous collent à la peau. Je pense qu’une section devrait être ajouté lors de la formation initiale des sages-femme. Comme ça les messages principaux seront passés auprès des professionnels.
De plus, si un hôpital ne souhaite pas prendre en charge la grossesse d’une femme handicapée, il faudrait au moins que le personnel puisse orienter la personne vers un organisme compétent. Je me suis vraiment sentie bien seule lorsque j’ai fait mes demandes et encore j’habite à Paris. Je n’ose même pas penser ce que pourrait ressentir une personne vivant dans un endroit où il y a peu de maternité à proximité.
Plus généralement, quel est votre avis sur la place des femmes en situation de handicap aujourd’hui dans la société ?
Je fais partie des gens qui trouvent que même si la situation des personnes handicapées est loin d’être parfaite en France, il y a quand même eu une forte progression depuis le début du 20ème siècle. De nombreux acteurs associatifs, politiques, entreprises travaillent ensemble pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées et leurs représentativités. Pour moi, on part d’une situation de base où les femmes, de manière générale, avaient peu de considération, pas de place au travail, dans les instances, en société. Donc les femmes handicapées, comme toutes minorités, on n’en parlait même pas. Elles cumulaient les problèmes 🙂 Par contre à l’heure actuelle, où il a eu une forte émancipation de la femme, je suis confiante dans l’avenir. Cependant, cela demande des efforts. On ne peut pas compter que sur des lois et les médias. Il faut que les femmes handicapées osent prendre la parole, entreprendre, s’impliquer, se faire confiance. Même si cela va prendre du temps, je suis sur qu’il y a plein de personnes handicapées qui veulent partager leur vision de la vie. Au niveau local,chacun peut s’impliquer et si la part des personnes handicapées investie augmentent alors leur visibilité aussi 🙂
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