Danseuse professionnelle (aux cotés de Black M notamment) et danse-thérapeute, c’est à la suite d’un grave accident de la route, que la danse et la psychologie s’imposent intuitivement à elle. Angelina Bruno nous livre sa philosophie de vie teintée de passion, de résilience et de détermination.
Bonjour Angelina, pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?
Je suis Angelina Bruno, j’ai 32 ans, je viens de la région de Charleroi en Belgique. Aujourd’hui je vis à Paris. Je suis danseuse hip-hop professionnelle, danse-thérapeute et sophrologue. Concernant mon parcours, il est très atypique, je n’ai pas du tout un parcours de danse traditionnel. Je n’ai pas commencé toute petite, j’ai commencé la danse sur le tard à 18 ans, à la suite des prescriptions médicales d’un médecin. J’ai eu un très grave accident de voiture à l’âge de 17 ans, à la suite duquel je suis devenue handicapée. J’ai perdu mon avant-bras droit et j’ai eu énormément de problèmes physiques. Un an après l’accident je n’étais toujours pas remise, le médecin m’a alors dit qu’il serait préférable de commencer un sport. C’est là où je vais pousser les portes de la danse pour la première fois.
Ça a été le jour le pire de ma vie et en même temps le plus beau. Le plus beau car j’ai fait ma rencontre merveilleuse, le coup de foudre entre moi et la danse, et j’ai très vite compris que ce sport allait me permettre de survivre à ce que je vivais. Et en même temps le pire, parce que je ne savais pas du tout comment j’allais faire pour danser à un bras et comment affronter le regard des gens qui est hyper dur à vivre. Parce que tout le monde se pose la même question « Comment je vais faire ? ». S’en est suivies plein de difficultés, car je n’avais pas la même condition que les autres, pas le même équilibre. Les chorégraphies sont compliquées à exécuter parce que tout se fait à deux mains, mais je persévère parce que je ressens énormément d’amour. En fait je peux libérer énormément d’émotions à travers ma danse, énormément de choses très difficiles que je vis. Le hip-hop me permet de les libérer et de sublimer ce que ressens finalement.
A côté de ça, à ce moment-là ce n’est pas possible physiquement pour moi d’en faire un métier. Je me dirige alors vers le développement personnel, j’ai commencé mes études et je suis devenue sophrologue. J’ai fait beaucoup de formations et j’ai ouvert mon cabinet de sophrologie. Mais je me suis rendue vite compte qu’il me manquait l’action, l’énergie, parce que moi, c’est à travers la danse, à travers toutes mes thérapies psychologiques et surtout en ralliant les deux que j’ai guéri. Donc je me suis dit « Et si je mélangeais mes deux passions : la danse et la psychologie ? », et c’est là que je me suis formée en danse-thérapie.
La danse a pris de plus en plus de place, je commençais à me rendre compte que je pouvais y arriver physiquement, que je pouvais danser de plus en plus, donc j’ai décidé vraiment à chaque fois de me surpasser. Et un jour, au fur et à mesure de persévérer et de ne jamais arrêter, je deviens professeur de danse. J’ai commencé à enseigner parce que j’ai ça en moi, la pédagogie, la volonté de transmettre. J’ai entendu alors parler de ce fameux casting de Black M et c’est là que tout a commencer.
Qu’est-ce qui vous plait dans ce domaine ?
La danse est une bouffée d’oxygène. Elle me permet de vivre, de bouger, elle me rend heureuse, elle me permet de m’exprimer sans les mots, à travers le mouvement. Ça a été une intuition, j’avais certainement ça en moi mais j’étais top jeune encore et cela devait éclore.
Vous êtes danseuse, chorégraphe, coach, sophrologue. Comment conciliez-vous toutes vos activités au quotidien ?
J’ai très vite réussi à concilier les deux. A l’époque j’étais prof de danse et j’avais mon concept de danse-thérapie, j’avais donc du collectif et de l’individuel en cours privé. J’ai toujours été un électron libre, mon propre patron avec mon propre agenda. Je donnais mes propres cours et j’allais aussi dans les écoles pour donner des cours. Finalement j’ai réussi à me faire mon propre programme.
Comment vous est venue cette idée de danse thérapie ? en qui cela consiste ?
La danse a été énormément thérapeutique pour moi. Elle m’a aidé à accepter et à intégrer un nouveau corps que je n’acceptais pas, un corps que je rejetais. Finalement, je me suis dit qu’il devait exister une formation qui alliait mes deux passions. J’ai alors créée mon propre concept de danse-thérapie, car chaque danse-thérapeute a sa manière de soigner. Moi, j’ai décidé intuitivement de faire une thérapie qui me convenait et qui collait à ce que j’avais vécu. Dans ma propre danse-thérapie il y a beaucoup de choses : de la sophrologie, des exercices théâtrales, des choses que j’ai appris dans la danse et que je donne. Cela consiste à apprendre à se connaitre, à se comprendre dans un premier temps, et ensuite à reconstruire l’amour de soi, l’estime de soi et la confiance. J’axe vraiment sur l’acceptation de qui on est, peu importe que l’on est un handicap ou non, sur le fait d’avancer et d’apprendre à s’aimer.
Quel sens souhaitez-vous donner à votre travail de danseuse et sophrologue ? Quels sont les messages souhaitez-vous véhiculer à travers votre passion ?
Je pense très sincèrement que le message le plus fort que je souhaite véhiculer est que les limites sont celles que l’on s’impose. Je pense que c’est vraiment un proverbe qui a dicté ma vie et je veux prouver aux gens que tout est possible, je dis bien tout. Pour moi, de part mon vécu et ce que je me suis prouvé, tout ce qu’ai imaginé je l’ai créé, matérialisé parce que j’avais la détermination de le penser et ça c’est grâce à mon handicap. C’est mon handicap qui m’a donné la force d’aller plus loin, de sortir de ma zone de confort. L’être humain a naturellement besoin de sécurité et malheureusement il ne dépasse que très peu ses limites, sauf quand il est confronté à la maladie, au handicap ou à d’autres problèmes qui font qu’on dépasse ses limites. Ce que je veux prouver aux gens c’est qu’il faut arrêter de se plaindre. Le poids du positif, de la persévérance et surtout de ce que l’on pense est hyper important. Je pense vraiment que tout est possible et c’est cela que je veux transmettre !
Où trouvez-vous l’inspiration pour vos projets ?
C’est une très bonne question et je pense qu’on ne me l’a jamais posée auparavant !
Je suis une grande enfant ou plutôt une femme-enfant ! Ça veut dire que je n’ai jamais perdu ce côté-là. Et vous savez, l’enfant il est hyper créatif, il s’inspire de tout ce qu’il voit, des gens autour de lui, de la vie proprement dite…et c’est de tout cela que je m’inspire. Je suis une artiste qui s’inspire de mon quotidien, des gens que je vais voir, des vidéos, des comportements, de ce que je vais observer dans la rue parfois. Tout m’inspire pour créer car je suis également complétement connectée avec cette partie-là de la créativité.
Est-ce que votre handicap a changé quelque chose dans votre vie personnelle et votre façon de pratiquer vos activités professionnelles ?
Oui clairement ! le handicap a changé toute ma vie ! Je pense qu’aujourd’hui je me rends compte vraiment de la réalité de la vie, et encore, j’ai beaucoup de chemin à faire encore. Je me rends compte à quel point elle est précieuse parce que justement elle est éphémère et elle peut partir à tout moment. J’essaie de savourer le plus de moments que je peux et j’essaie toujours, toujours, de voir le bon côté de la vie car on a un beau paradis et tout est une question de point de vue. Mon handicap a été finalement un beau cadeau.
Quelle est votre avis sur la place des femmes en situation de handicap dans la société aujourd’hui ? Qu’est ce qu’il faudrait améliorer selon vous ?
Je pense que la place des femmes en situation de handicap est un peu plus compliquée dans la société que la place de l’homme. Dès le départ, la femme a été beaucoup plus mise en lumière sur l’aspect physique. Pour l’homme, ses qualités, ses valeurs ont été, tout de suite, la bravoure, le courage. Donc l’homme ayant un handicap continue d’être perçu par la société comme étant une personne plus forte que la femme,qui elle va être perçue tout de suite comme plus vulnérable. Pour elle c’est un peu plus délicat parce que c’est le côté charmeur, la douceur, la femme au foyer…Donc on a ce poids aujourd’hui de la perfection physique, que la société nous transmet et c’est un peu plus dur pour les femmes d’assumer le handicap. C’est pourquoi il faut casser ses limites là, ce système avec cette pensée de perfection. Finalement nous sommes des êtres culturels et nous sommes influencés par la culture qu’on le veuille ou pas. Je pense qu’il faut faire évoluer cette idée, et les choses sont en train de changer. Mais il faut d’autant plus montrer la réalité de la vie, c’est-à-dire arrêter de tout photoshoper, arrêter de nous mettre dans la tête qu’une belle femme à des formes parfaites, un ventre plat, etc… Ce n’est pas ça la réalité de la vie !! Sauf que c’est ce que l’on est en train de mettre dans la tête des jeunes…donc forcément quand on a un handicap, on ne se sent pas dans les codes et donc beaucoup moins belle. Et c’est pour cela que je me bats, pour que ça change !
Quels sont vos projets à venir ?
Pour l’instant je travaille beaucoup, je continue ma danse-thérapie en coaching privé, je continue à investir dans le spitch, faire des conférences, transmettre est quelque chose que j’aime beaucoup. Bien évidemment je continue mes projets de danse car ça reste en moi. Et je suis en train de travailler un très gros projet depuis un bon moment qui devra voir le jour au début de l’année prochaine mais je n’en dit pas plus 😊.
– Site officiel d’ Angelina Bruno : https://www.angelinabruno.be/
– Instagram : https://www.instagram.com/angelina.bruno/?hl=fr